Crooner au premier degré, théoricien au quatorzième et guitariste funambule, Eric Chenaux écrit des chansons autant qu’il improvise en direct. Des chansons radieuses toujours, et accidentées tout autant, imprévisibles et excitantes. ”Say Laura”, son septième album paru sur le label canadien Constellation, est peut-être son disque le plus clair, le plus limpide, le plus immédiatement poignant.

Un disque aussi chichement outillé qu’à l’accoutumée: voix de tête, six cordes traitées à la façon d’ un minuscule orchestre pris de boisson, et cette mystérieuse petite batterie de pédales excentriquement reliées les unes aux autres et jouées comme d’un piano amphibie, histoire d’assurer les hallucinations et de faire passer les lanternes pour des planètes. Les cinq chansons qui font “Say Laura” peuvent s’écouter comme des standards de jazz vocal très tendrement concassés, on ne sait pas toujours quand elles commencent quand elles finissent. Elles groovent, de traviole, au ralenti. On pense à Marvin Gaye dialoguant à voix basse avec Derek Bailey ou à Sun Ra jouant à deux doigts les thèmes d’Hoagy Carmichael. À Jimmy Hendrix qui aurait perdu son jack. On imagine Arthur Russell épurant ses recherches les plus antagonistes en un seul dessin d’enfant.

Dans son nouveau projet solo, Gilles Poizat (membre de l’Orchestre Tout Puissant Marcle Duchamp)  s’accompagne d’une trompette, de sa voix et d’un synthétiseur modulaire pour créer des petites chansons en équilibre sur des flots sonores turbulents. “Ecouter Gilles Poizat c’est comme suivre le cours d’un ruisseau, comme apprendre à reconnaître les oiseaux, comme lancer le petit sur un vélo sans les petites roues pour la première fois, comme la surprise du premier baiser qui recommence etc etc.” (Sing Sing)